Suggestions pour une discussion inclusive, respectueuse et constructive

Cette liste est une traduction des “Guidelines” de David Chalmers: http://consc.net/norms.html
Traduction de Marie-Anne Casselot et Charlotte Sabourin

Ces suggestions sont destinées principalement à la discussion philosophique dans des contextes formels: colloques, conférences, séminaires, salles de classes, etc. Plusieurs de ces suggestions peuvent aussi s’appliquer à des discussions philosophiques informelles ainsi qu’à des discussions non philosophiques.

Ces suggestions servent à faciliter un engagement philosophique respectueux, constructif et inclusif dans nos espaces de discussion formels. Bien entendu, ces suggestions sont très générales et sont à adapter selon la situation. Cette liste ne prétend pas imposer une méthode, mais elle est utile pour l’élaboration d’une structure formelle encadrant les discussions philosophiques, mais aussi pour amener des pistes de réflexion sur nos comportements et nos attitudes dans ces contextes intellectuels.

Tous commentaires, ajouts et modifications à cette liste sont encouragés.

 

Quelques rappels allant de soi (mesures de respect)

  1. Être sympathique.
  1. Éviter les interruptions.
  1. Lorsqu’on émet une objection, être réceptif aux contre-objections (une objection n’invalide pas nécessairement l’argumentaire en entier).
  1. Une attitude d’incrédulité vis-à-vis des propos de l’interlocuteur ou de l’interlocutrice est à éviter.
  1. Le langage non-verbal a un impact: le rire, le roulement des yeux et les grimaces influencent le déroulement de la discussion et l’état d’esprit de la personne qui présente.
  1. Lors de la discussion principale, il est pertinent de ne pas commencer d’autres discussions en parallèle afin de rester concentré.e.s sur l’échange principal.
  1. Lors d’une intervention, reconnaître les idées et les arguments de votre interlocuteur ou de votre interlocutrice.
  1. Durant la discussion, être en désaccord avec les idées, pas avec les gens.

Mesures de constructivité 

  1. Il est important de prioriser les objections constructives afin de faire avancer le débat, notamment en s’appuyant sur les idées de la conférencière ou du conférencier ou encore en renforçant sa position.
  1. Si l’objection met en péril la position de l’interlocuteur ou de l’interlocutrice, il peut s’avérer utile de relever un point positif soulevé par cette même objection.
  1. Si vous pensez que le projet présenté est inintéressant et peu pertinent, pensez y deux fois avant de poser votre question.
  1. Il peut s’avérer pertinent de questionner les prémisses d’un projet ou d’une discipline, mais lorsque ce type de question domine la période de questions, cela peut se révéler inutile et démoralisant.
  1. Il n’est pas nécessaire d’insister sur la même objection (individuellement ou collectivement) jusqu’à ce que le conférencier ou la conférencière capitule.
  1. Garder en tête que la philosophie n’est pas un terrain de jeu où l’un doit gagner et l’autre perdre.

Mesures d’inclusivité

  1. Éviter de dominer la discussion (à l’exception partielle de la conférencière ou du conférencier).
  1. Soulever une seule question par intervention (les questions de suivi peuvent se suivre, mais les questions sur différents sujets devraient faire l’objet d’une autre intervention).
  1. Essayer de poser votre question (ou votre réponse) de façon succincte.
  1. Reconnaître l’apport des autres personnes ayant posé des questions avant vous.
  1. Il est possible de poser des questions même si on pense qu’elles sont naïves ou simples.
  1. Ne pas utiliser inutilement des exemples offensants.

Mesures procédurales (pour les périodes de questions suivant les conférences)

  1. Si le temps le permet, prendre une pause de quelques minutes avant d’ouvrir la période de questions.
  1. Idéalement, les questions devraient être gérées par la personne assurant la présidence de séance plutôt que par la conférencière ou le conférencier. Il est bon de tenir une liste des personnes souhaitant poser une question.
  1. Il convient évidemment d’attendre son tour pour parler.
  1. Il est généralement possible de revenir sur sa propre question après avoir obtenu une réponse (à moins que le temps ne presse), mais ce genre d’intervention devrait être aussi brève que possible et éviter de donner lieu à un échange interminable.

Une façon de faire particulière a récemment été adoptée dans certains milieux afin de faciliter la gestion des questions. On l’appelle, en anglais, le « hand/finger system ». Les trois prochains points y seront plus particulièrement consacrés.
Il ne s’agit pas de prôner l’implantation unilatérale de ce système. On remarquera cependant qu’il se révèle particulièrement utile dans les milieux où les interventions sont nombreuses. Il peut donc valoir la peine de l’essayer, avec bien sûr l’accord de la personne assurant la présidence de séance.

  1. Pour poser une nouvelle question, garder la main levée jusqu’à ce que la présidence le remarque. Pour poursuivre la discussion sur une question déjà posée par quelqu’un, lever plutôt un doigt.(Le but est donc de rendre la discussion plus fluide en priorisant, dans la mesure du possible, les interventions poursuivant la discussion sur un point précis avant de passer à une question complètement différente.)
  1. En levant un doigt, il est entendu que l’on doit intervenir dans la discussion en cours. Les questions qui ne sont qu’indirectement reliées ou qui entraîneraient la discussion sur un tout autre terrain devraient faire l’objet d’une intervention à part entière (main ouverte).
  1. Bien que cela puisse être difficile à mettre à exécution, l’idéal serait de gérer la liste des interventions de façon à équilibrer la discussion entre les participant-e-s et à prioriser les personnes n’ayant pas encore parlé.
  1. Dans le même ordre d’idées, il serait bon que chaque personne désirant poser une question puisse le faire. Cela peut bien sûr poser des difficultés lorsque le temps presse. Aussi, en ce cas, il peut être pertinent de cesser de prendre les réponses directes à une intervention (les doigts levés), tout en en avertissant l’auditoire. D’autres alternatives sont cependant possibles: par exemple, rappeler de temps à autre le nombre de minutes restantes.
  1. Enfin, celui ou celle qui assure la présidence de séance devrait être conscient-e de l’existence de certains préjugés ou biais (envers les femmes, les minorités visibles, etc.) et ce, même parmi les groupes les mieux intentionnés. Le simple fait de garder cette problématique à l’esprit tout en gérant les interventions pourrait aider grandement à y remédier.

Sur la mise en pratique des suggestions

  1. Lorsque certaines normes précédemment adoptées ne sont pas respectées, la présidence est encouragée à le signaler poliment. Toute personne peut également le signaler à l’auditoire.
  1. Il est aussi tout à fait correct d’attendre que la séance soit terminée pour signaler d’éventuels manquements aux règles, ou d’en parler en privé à la présidence qui pourra alors en glisser un mot à la personne concernée.
  1. Si la présidence ne respecte pas les règles, on doit se sentir libre de le signaler respectueusement, sur le moment ou après coup.
  1. Éviter d’être sur la défensive lorsqu’un manquement est signalé (voir point suivant)
  1. Il est en effet très possible d’enfreindre certaines règles sans pour autant être une mauvaise personne ! (et ça arrive à la plupart d’entre nous…)
  1. Respecter les efforts de la présidence pour faire observer les règles.
  1. Il est généralement plus facile de faire respecter les règles en usant de tact et de doigté.
  1. Il est tout à fait normal de tenir compte du contexte et d’être flexible dans l’application des règles – en autant qu’on prenne garde à ne pas réintroduire de biais ou de double standard.
  1. Il est possible et même souhaitable de discuter des règles à adopter en groupe et à l’avance. Un conférencier ou une conférencière peut aussi demander à la présidence de suspendre certaines règles le temps de sa présentation. Il appartient alors à la présidence d’en décider.

Suggestions de mesures supplémentaires
(n’hésitez pas à nous envoyer des suggestions additionnelles!)

  1. Maximum de deux minutes par question (alternative: après deux minutes, autoriser les interruptions)
  1. Prioriser les étudiant-e-s dans la liste de questions (alternative: ne pas prioriser les professeur-e-s)
  1. Demander l’autorisation avant de faire un suivi sur sa propre question  (alternative: demander la permission pour tout suivi après un premier)
  1. Ne vous imposez pas d’impressionner l’auditoire.
  1. Faites attention de ne pas harceler le conférencier/la conférencière durant la pause ou immédiatement après leur présentation (ils ont peut-être besoin de repos!)